Dumping social, concurrence de l’Est : le ras le bol des transporteurs français

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Ils n’en peuveroutent plus, les transporteurs français, de l’utilisation excessive du cabotage routier par leurs concurrents européens : depuis l’ouverture partielle du marché européen des transports routiers, en 2009, les abus de certaines entreprises de l’Est ont totalement bouleversé la donne dans notre pays, tout comme les délocalisations de nombre de nos entreprises tricolores dans des pays où la main d’œuvre coûte moins cher.

 

dumping« La libéralisation du cabotage par Bruxelles devait limiter le nombre de transporteurs routiers roulant à vide, faire baisser les prix du transport et réduire la pollution en faisant baisser le trafic », explique Roberto Parrillo, président de la section Transport Routier de la Fédération Européenne des Travailleurs des Transports (FET). « Le cabotage, c’est ce qui permet à un transporteur européen d’effectuer pendant une semaine plusieurs livraisons sur un même trajet, dans un autre pays d’Europe. Mais la réforme n’a pas été accompagnée… Du coup cette ouverture à la concurrence a renforcé la course au prix le plus bas, donc la pression sur les salaires et les droits sociaux… Et in fine, sur les salariés. »

 

Un vrai problème, quand on sait que le transport routier de marchandises est le principal mode de transport terrestre dans l’Union, où il représente 72% de l’ensemble des activités dans ce domaine. En 2012, le transport terrestre a ainsi représenté près de 1700 milliards de tonnes-kilomètres dans l’Union européenne. Ce secteur d’activité génère un chiffre d’affaires annuel de 300 milliards d’euros et représente 2% du PIB de l’UE.

 

chauffeur« Les marchés les plus importants pour le cabotage sont les grands marchés des transports, qui occupent une position centrale : l’Allemagne, et la France », peut-on lire dans le rapport de la Commission au Parlement Européen et au Conseil sur l’état du marché du transport routier dans l’Union Européenne, publié à Bruxelles le 14 avril 2014. « Depuis la période de ralentissement économique, les marges bénéficiaires se sont donc réduites dans le secteur de la logistique comme dans celui du transport de marchandises par route. (…). De nombreuses entreprises de transport sont aujourd’hui considérées comme vulnérables du point de vue de leur situation financière. Cela concerne jusqu’à un tiers des sociétés de transport de marchandises par route en France, selon la Banque de France. »

 

fraudeLe secrétaire d’Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, connaît bien cette lente érosion du marché des transports et de la logistique à cause du cabotage en France, puisqu’il a auparavant été ministre des Transports pendant deux ans. Début décembre 2013, il dénonçait carrément des « comportements négriers dans le secteur des transports », expliquant avoir « vu la façon dont les salariés de certains pays européens sont traités en  dehors de toute règle sociale ». 

 

Il vient donc d’organiser, ce 16 avril 2014, une grande conférence internationale sur les pratiques d’optimisation sociale qui minent le secteur en Europe. Son but : fédérer d’autres Etats membres autour de la lutte contre le dumping social dans le transport routier. « Nous souhaitons que les abus soient pleinement pris en compte afin que nous puissions faire évoluer les choses », a déclaré Frédéric Cuvillier devant une table ronde de ministres des transports venus du Danemark, de Grande-Bretagne, de Pologne, de Roumanie et de République Tchèque, notamment.

 

camionLes différents intervenants ont surtout fait le point sur les difficultés à contrôler le cabotage routier, tout comme les temps de conduite et de repos des conducteurs : « en allant sur les points de contrôle, j’ai ainsi pu mesurer à quel point il était difficile, voire impossible, de contrôler des routiers russes sur un éventuel dumping social de cabotage, en raison de tous leurs papiers et documents, écrits en cyrillique », a par exemple exposé le ministre danois des Transports, Magnus Heunicke. Le député de Gironde Gilles Savary faisait également partie des intervenants : « comment faire le calcul précis du temps de cabotage des transporteurs étrangers sur une activité en déplacement perpétuel? », a-t-il ainsi questionné. « Sans oublier le problème de la langue et des notions juridiques, différentes d’un pays à l’autre ! ». Gérard Schipper, le délégué général d’Euro Control Route (ECR, organisme européen de contrôle routier auquel adhèrent 17 États membres), a pour sa part rappelé que le seul moyen de résoudre ces problèmes de contrôles, c’était de mieux former les agents, mais surtout de favoriser la coopération entre États membres, car c’est selon lui « la clé du respect des règles ».

 

Un renforcement et une amélioration des contrôles, des mesures dissuasives à la fraude et à la concurrence déloyale : voilà qui s’impose, quand on sait que Siim Kallas, le Vice-Président à la Commission européenne chargé des Transports, veut maintenant supprimer les restrictions restantes quant à la libéralisation du transport routier en Europe et ouvrir davantage encore les marchés nationaux du transport routier, à la concurrence.

 

cabotageCela signifie que si rien n’est fait pour enrayer les dérives du cabotage, les effets pervers observés depuis 2009 vont encore s’accentuer : notamment, un effet d’aubaine pour certaines sociétés qui s’empressent de créer des filiales dans les pays où la main d’œuvre est la moins chère, et licencient en France. Dans un rapport d’information, le sénateur nordiste communiste Eric Boquet écrit ainsi : « La tentation du low cost a poussé certaines entreprises à développer des filières en Roumanie et en Pologne, et à rémunérer leurs chauffeurs aux conditions de ces pays, alors qu’en jouant avec les règles du cabotage ils peuvent rester jusqu’à un mois en France ! »

 

gendarmeRésultat : les routes de l’Hexagone sont aujourd’hui envahies de camions immatriculés dans les pays de l’Est, et dont les chauffeurs sont payés moitié moins, et jusqu’à trois fois moins qu’un routier français ! Ce dernier coûte 44 centimes du kilomètre en moyenne, contre 25 centimes pour un Espagnol, 18 centimes pour un Slovaque et… 15 centimes pour un Polonais ! Et la conséquence, c’est que « le transport routier français est aujourd’hui condamné par une crise à la fois conjoncturelle et structurelle« , analyse Jean-Pierre Caillot, à la tête d’une très importante société de transport (1000 salariés) et vice-président de la FNTR. Et les épisodes douloureux se suivent et se ressemblent dans les gros titres de  l’actualité : Mory-Ducros, Acosta, Dentressangle… qui a d’ailleurs reconnu avoir sorti la tête de l’eau en faisant travailler 1500 nouveaux salariés en Pologne et en Roumanie, après avoir supprimé en France 500 emplois sur 9000.

 

routierEn 2013, seulement 6 entreprises sur 10 dans le transport terrestre français, ont enregistré un résultat positif. En 20 ans (1993-2003), la part de marché du pavillon français à l’international est passée de 51% à 15%… Alors que dans le même temps, sur leur propre marché national, les entreprises françaises de transport étaient confrontées à une déferlante de camions européens sur les routes de France. « Les bourses de fret en ligne ont encore aggravé la situation », poursuit Jean-Pierre Caillot. « Avec ça maintenant, même depuis la Roumanie ou la Slovaquie, les entreprises à bas coût peuvent répondre à de petites offres de fret régional, alors qu’hier c’était la chasse gardée des opérateurs nationaux ».

 

europeensLà où la concurrence est rude aussi, ce n’est pas seulement sur les salaires mais également sur le temps de travail : alors qu’un salarié tourne autour de 1900 heures par an chez nos voisins européens, les 35 heures en France ont limité le temps de travail d’un chauffeur français à 1572 heures annuelles, presque 25% de moins ! Pas idéal pour la compétitivité… En France, deux chauffeurs ne peuvent pas se relayer puisque le compteur horaire du passager tourne en même temps que celui du chauffeur… Dans la plupart des pays concurrents, un système de forfait et des législations plus souples leurs permettent d’alterner au volant.

 

controleLa conséquence, c’est que les patrons du transport en France souffrent, mais leurs salariés aussi : pour faire face au dumping social, les contrats des chauffeurs sont passés de plus de 200 heures par mois à 186 ou 152 heures… Plus d’heures supplémentaires, et une paupérisation des salariés dont le pouvoir d’achat en prend un coup. Avec, à la clé, une crise des recrutements. Dans son rapport, le sénateur Éric Boquet estime que « les transports européens sont un véritable laboratoire en matière d’optimisation sociale et de fraude« . Pour lui, pas d’autre solution que de freiner Bruxelles dans ses velléités de dérégulation des marchés. En France, le cabotage représente aujourd’hui plus de 10% du transport intérieur de marchandises :  « la France est désormais 20 fois plus cabotée qu’elle ne cabote ! », conclut le rapport.

 

 




10 commentaires

renard le 20 juil. 2014

Bonsoir mes amis. Le dumping social et fiscal sont organisés par nos propres gouvernements. Le manque de souveraineté nationale en est une des causes. Au nom de la sacro-saint compétitivité et de la loi du marché ,les libéraux ,les conservateurs,la social-démocratie tirent tous dans le même sens. L’uniformisation de la précarité des métiers à faible valeur ajoutée. Le moyen de faire voyager les marchandises à faible coût. Tous ces décideurs à Bruxelle s’autorisent les plus grands privilèges et détricotent à leurs grès les acquis sociaux obtenus par les anciens dans les pays de la vieille Europe. Si ils avaient l’intention de contrer ce fléau libéral cela se saurait. Tchao viva.

PINEL le 9 juin 2014

Moi ce que j’ai vu et pire encore.
Sur les parkings de centre routier, les petits camions roumains qui ont fait les petites ramasses dans la région , reviennent à une heure précise sur le parking du routier et ils rechargent le 44 tonnes qui va faire la longue distance.
La cabotage c’est les fourmis et le cargo
Le Français ramasse les miettes.
S’il en reste !!!!!!!

PINEL le 9 juin 2014

Oui tout le monde connaît ce transporteur qui s’est lancé dans la logistique en France.
Je sais aussi que beaucoup de leurs camions neufs qui on été en Roumanie et en Pologne sont revenus 1 mois plus tard avec le même châssis de camion neuf mais avec un moteur de 3 millions de kilomètres .
Ah AH !!!!!!!

PINEL le 9 juin 2014

je suis d’accord avec toi.
La France va devenir la capitale mondiale du tourisme ou on y mangera des bonbons chinois, des pâtes ukrainiennes, des moutons irlandais , des oranges espagnoles, du bœuf américain et ceux qui voudrons faire leur jardin eux même achèterons du terreau Conditionné en France , importé par un chinois , transporté par un russe qui aura affrété un roumain ou un polonais .
Le chauffeur Français ne livrera que 5 palettes de terreau à la plateforme Allemande en France car moins risqué en cas de contrôle.
Tu achèteras ton terreau dans un magasin Discount Allemand en France et tu verra à l’ouverture du sac que ton terreau est noir de chez noir .
Alors tu t’amuses à sortir ton compteur de radiations et tu vois que le taux de becquerel est dans le rouge.
Sans le savoir tu mangeras des tomates nucléaires Françaises élevées dans du terreau russe .
Vive les échanges internationaux.
Il n’y a que les politiques qui bénéficient de tout ça.
Bon Appétit

PINEL le 9 juin 2014

Bonjour.
18 ans de transport routier de marchandise en France et à l’étranger.
En 18 ans j’ai vu la dégradation progressive et constante du transport routier Français.
Les conditions de travail qui se sont dégradées ainsi que le contact avec les clients qui ne voient que low coast.
Réduction des longs trajets à l’international, réduction des heures et des contrats de travail , arrivée progressive des étrangers qui mangent jamais dans les restaurants routiers en France et qui nous volent notre travail quand ce n’est pas Vols de fret et de gazoil qu’ils mettent dans leur réservoirs pour repartir chez eux.
Résultat , sur la RN 10 en direction de bordeaux, 95% des restaurants routiers ont fermé ce qui à engendré licenciement massif dans le domaine de la restauration.
Sans parler des licenciements déguisés des employeurs du transport qui perturbent volontairement le travail du salarié qui à encore un contrat à 200 h par mois.
Ils veulent réduire les heures et font des salariés des travailleurs pauvres et quand on sait que le métier de chauffeur routier est le métier le moins cher payé en France en rapport aux autres métiers Français alors vive l’Europe.
Personne soutient le chauffeur Français.
Il est bien loin le temps « les routiers sont sympas » .
L’industrie du transports va manquer de plus en plus de chauffeurs qualifiés car un chauffeur qualifié ne peux pas partir la semaine complète au travail et gagner 800€ par mois comme les roumains.
Quand bien même tu viens d’être licencié abusivement par ton employeur alors que tu avais un contrat à 200 heures à 10.20€ et que tu retrouve un travail en agriculture à 200 h payé à 12€ alors la tu comprends que le transport routier Français vit son dernier souffle !!!!!!!

BLACKHOLE le 8 juin 2014

Les transporteurs vont chercher des chauffeurs dans les pays de l’Est et tente de se plaindre du marasme du marché a priori. En fait lors des négociations ils ne proposent affrètement ou filiale de l’Est et indique être malmené par les charges et pas seulement en France mais aussi en Belgique et aux Pays Bas. Leur volonté est de gagner plus en payant moins que ce soit les chauffeurs ou les taxes. Le problème est donc Européen. Le Gas oil devrait fortement monter dans toute l’Europe ainsi que les taxes routières les péages d’autoroute de manière a bloquer cette concurrence déloyale. La formation devrait être européenne ainsi que les horaires. Quand aux contrôles il est temps que l’Europe prennent en charge sur ses deniers cette activité et cela n’est pas compliqué en terme de budget.

gil le 7 juin 2014

Les transporteurs se plaignent ?
C’est pourtant bien eux même qui sont allés chercher le personnel dans les pays de l’est.
Je pourrais vous citer quelques grosses entreprises françaises qui ont même leurs propres camions
immatriculés en Pologne et en Roumanie. .Il faut donc qu’ils arrêtent leur cinéma. De meême s’il ne trouvent plus de chauffeurs, c’est bien parce qu’ils veulent aligner les salaires sur celui de leus chauffeurs de ces pays !!!!!!!!!!!

HECQUET le 6 juin 2014

1er chose à fair reglemente la tarification obligatoire entre transporteur et affreteur avec des controles severe et de forte amende en ca de non respect remettre les autorisations pour toutes les entreprises europeenne avec des controles severe dans les entreprises

P.PEDROSA le 6 juin 2014

Quid des petits porteurs de moins de 3.5 t immatriculés dans les pays de l’est avec pigonnier, 2 chauffeurs roulant 24/24 qui ne vivent que dans la cabine.
Aucun controle puique non soumis aux chronotachigraphes.
Un scandale sous les yeux les autorités qui ne font rien.

Gerard Gerad via Facebook le 5 mai 2014

étant un ancien routier international , la france ne sera plus français dans quelques années due a nos hommes politiques qui ne font plus rien dans le domaine des routiers français ou va l ‘argent

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