Jours fériés : un mois de mai « casse-tête » pour le transport et la logistique

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Un poids lourd rempli de palettes jusqu’à ras-bord, et un patron d’entreprise de transport dépité : le scénario est rare en temps normal mais plus fréquent cette semaine de jours fériés : des clients qui devaient être livrés et qui finalement, ont décidé de faire le pont toute la semaine entre le samedi 5 mai et le lundi 14 mai, puisque de toute façon le 8 et le 10 sont fériés ! « Le souci c’est qu’ils oublient de nous prévenir, donc moi j’ai un camion qui a fait la route jusqu’à Tours pour rien, aller et retour, et qui est chargé donc je ne peux pas l’utiliser pour une autre course, c’est double peine », râle le transporteur limougeaud. Il n’est pas le seul à pâtir de ce mois de mai en gruyère, parsemé de jours fériés, le 1er, le 8, le 10, le 21…. Qui tombent des jours ouvrés et poussent clients et salariés à faire un break. Voilà qui tombe mal, alors que la grève SNCF pousse les clients du fret à se tourner vers la route pour assurer le transport de leurs marchandises bloquées.

 

« Pour les transporteurs le mois de mai est catastrophique, tous les ans », nous explique-t-on chez Evolutrans, un groupement d’une centaine de PME de transport et de logistique indépendantes. Car ils n’ont pas le droit de rouler les jours fériés, sauf exceptionnellement cette année le mardi 8 mai : ils ont donc été bloqués le mardi 1er, ils le seront encore ce jeudi 10 mai pour l’Ascension, et rebelote le lundi 21 pour la Pentecôte. « Nos salariés en profitent pour poser des jours, on a 30% des effectifs qui s’arrête une semaine à 10 jours pendant les ponts de mai. Dans le meilleur des cas nous n’avons que 80% de notre personnel pour assurer un service qu’on maintient au maximum pour satisfaire nos rares clients qui ne font pas le pont, donc avec les mêmes charges mais beaucoup moins de rentabilité : sur cette période le chiffre d’affaires baisse systématiquement de moitié par rapport à la normale. Une majorité de clients sont fermés et ne commandent ou n’expédient pas. Nos poids-lourds roulent sans être chargés à plein, avec seulement la moitié des colis par rapport à un mois normal, et à l’inverse après les ponts la charge de travail est triplée pour rattraper les jours fériés perdus, donc pendant minimum quinze jours ou trois semaines, il va falloir au contraire embaucher des intérimaires pour faire face à la demande et au surcroît de travail, ce qui coûte aussi de l’argent ».

 

Même chose du côté des entrepôts logistiques : il a d’abord fallu mettre les bouchées doubles et s’activer en prévision des jours fériés, pendant les derniers jours d’avril. « Nous n’avions pas tellement d’autre solution que d’anticiper au maximum, car les fournisseurs font tous le pont », explique le responsable logistique d’une entreprise spécialisée dans le stockage et la livraison de matériel bureautique du Val d’Oise. « Le mois de mai bouleverse toujours nos process organisationnels, on doit faire venir les marchandises une, deux ou trois semaines avant, on fait partir les camions un peu plus tôt… malgré tout l’impact économique est inévitable, on essaie simplement de limiter les pertes à moins de 40%. Avant, lorsque nous n’anticipions pas suffisamment, cela pouvait aller jusque 60% sur le mois. On prévoit aussi un petit matelas en matière de trésorerie pour pouvoir quand même payer les salariés. Et évidemment, on envoie les factures un peu plus tôt aux clients, pour essayer de faire en sorte qu’à la fin du mois un maximum d’entre elles aient été honorées. Et après mai, il faut cravacher. Tout ce qu’on n’a pas fait au mois de mai il faut le faire au mois de juin ».

 

Pour éviter de trop perdre cette année, avec un mois de mai particulièrement chargé en jours fériés qui tombent en pleine semaine, certaines TPE et PME de transport et de logistique ont carrément fait le calcul inverse : fermer complètement et mettre tout le monde en congé, plutôt que de rester ouvert et de travailler à perte. « Cette semaine du 8 mai est particulièrement compliquée à gérer avec le mardi et le jeudi fériés, il est plus rentable pour nous de ne pas faire du tout fonctionner les machines logistiques des entrepôts plutôt que de les faire fonctionner en sous-régime », explique le directeur d’un site logistique à Aubervilliers. « Sinon on fait quoi, on commence les opérations de traitement des commandes le lundi, on arrête le mardi, il faut reprendre le mercredi, se remettre dans le bain de ce qu’on a lâché le jour d’avant, arrêter à nouveau le jeudi, se remettre au travail le vendredi, alors que c’est notre jour de nettoyage avant le week-end ? Je préfère prévenir clients et salariés qu’on sera en fermeture exceptionnelle du 7 au 11 mai… ».

 

Statistiquement, ce mois de mai 2018 représente en moyenne 5 jours d’activité en moins pour les entreprises du transport et de la logistique, soit un quart de leurs capacités, alors que globalement les mois de printemps coïncident avec une montée en charge de l’activité, particulièrement pour le transport de gros volumes : « nous sommes trois fois plus sollicitée par nos clients à partir du mois d’avril, notamment les grandes surfaces et les négociants pour tout ce qui est boissons et denrées alimentaires en gros », explique le groupe Michenot, spécialiste du stockage et du transport de boissons sur Paris, Lyon, Chouze-sur-Loire (Indre-et-Loire) et Le Busseau (Deux-Sèvres).  « Les camions ne peuvent pas rouler les jours fériés avant 22 heures, et doivent s’arrêter la veille à 22 heures. Il est donc impératif de se réorganiser pour livrer les clients rapidement, les marchandises que nous transportons ne supportent pas des délais excessifs, il faut livrer en 3 jours maximum, sinon nous risquons de payer des pénalités. Aujourd’hui, de moins en moins de clients anticipent leurs commandes, car quand on stocke trop longtemps on leur facture. Résultat, la plupart commandent au dernier moment et veulent être livrés vite, jours fériés ou pas… Donc c’est du flux tendu mais dans un contexte de ralentissement général, c’est très particulier et très compliqué ». Certains transporteurs engagent donc des frais supplémentaires en faisant le choix de payer des véhicules de location, et d’embaucher du personnel intérimaire. D’autres tentent de mutualiser une partie de leurs chargements avec d’autres entreprises de transport, ou avec des filiales de leur groupe dans d’autres régions. Dans tous les cas, le mois de mai reste un casse-tête pour le secteur.

 

 




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