Transports : la France a-t-elle raison d’abandonner ses grands projets ?
0 commentaire Marie MEHAULT
1 juil. 2013En fait, ce n’est encore qu’une recommandation d’une commission d’études, la « Mission Mobilité 21 », qui a remis son rapport jeudi 27 juin au ministre des transports Frédéric Cuvillier. Mais une recommandation qui, vu les temps qui courent, risque bien d’être prise illico au pied de la lettre par le gouvernement, ce dernier devant économiser plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici 2015.
De quoi parle-t-on ? D’une quinzaine de grands projets de transports, jugés trop coûteux, qui avaient en grande partie été lancés par le gouvernement Sarkozy, et qui pourraient être abandonnés, donc, par François Hollande et ses ministres. Car si tout était réalisé comme prévu, il en coûterait à l’Etat près de 250 milliards d’euros ! Impensable, pour les experts qui ont tenté d’analyser le dossier.
Dans leur ligne de mire ? Tous les secteurs du transport, presqu’aucun n’échappant à la grande remise en question. Le trafic routier, pour commencer : de grands projets de constructions d’autoroutes sont remis en cause, notamment en Bourgogne, en Vendée, dans les Alpes ou en Haute Savoie. Des chantiers, qui auraient certes coûté de l’argent, mais qui auraient aussi permis d’employer des centaines, voire des milliers de personnes, et même davantage si l’on prend en compte les emplois indirects générés chez les fournisseurs de matériaux et les prestataires. Des chantiers qui, une fois terminés, auraient facilité la vie de bien des transporteurs, avec la création de nouveaux axes qui auraient évité bien des contournements inutiles.
Idem, du côté du train. Pas mal de lignes ferroviaires risquent de ne jamais voir le jour, et les projets de continuer à dormir dans les cartons en attendant des temps meilleurs : certaines branches de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône risquent notamment de passer à la trappe, tout comme la ligne Calais-Rouen, qui devait relier le Nord à l’Ouest sans passer par Paris, ou bien aussi la ligne Toulouse-Narbonne. Vers les autres pays d’Europe, la ligne Lyon Turin est « blacklistée » d’office par la Mission 21.
Du côté du fluvial, grosse déception également pour tous ceux qui attendent désespérément, depuis des années, la concrétisation du projet Canal Seine-Nord Europe, qui devait traverser la Picardie pour relier Paris au Nord de la France : on touchait au but, les choses allaient se faire, le ministre Cuvillier (lui-même élu du Pas-de-Calais) y était plus que favorable… mais la commission d’études vient de rayer d’entrée de jeu le chantier de la liste des réalisations possibles : « si on fait le Canal Seine-Nord, tout le reste peut aller aux oubliettes », explique l’un des rapporteurs. Les canaux Saône-Rhin et Saône-Moselle risquent aussi de se retrouver sur l’hôtel du sacrifice.
Pour tous les autres projets, pas de couperet définitif… Mais de très probables reports, au-delà de 2030, c’est-à-dire dans plus de 15 ans ! De nombreux économistes, notamment dans les bureaux de l’OFCE à Paris (Office Français des Conjonctures Economiques), déplorent ce type de décisions de rigueur, qui vont encore pénaliser d’innombrables entreprises, impatientes de pouvoir se mettre à pied d’œuvre sur ces projets qu’elles attendaient comme le messie pour remettre leurs comptes à flots. Des décisions, qui vont également peser très lourd sur l’emploi, puisque des chantiers avortés signifient forcément des intérimaires et des CDD sans contrats, mais aussi des salariés et des prestataires au chômage technique, démunis face à toutes ces futures commandes tuées dans l’œuf. Ou encore, des postes de routiers, de cheminots, d’éclusiers, de navigants, de péagistes, etc… qui ne verront jamais le jour. Pour les économistes favorables aux théories de la relance de type keynésianisme, ces grands chantiers auraient été au contraire l’un des seuls moyens de rebooster la croissance, le pouvoir d’achat, et l’emploi. Dommage.