Les « documents secrets » qui relancent la mobilisation à la SNCF

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Le fameux « compte-rendu » qui fâche, c’est en fait le contenu d’un mail, après la réunion de la semaine dernière, vendredi 4 mai 2018, entre la direction de la compagnie ferroviaire et la ministre des Transports, Elisabeth Borne. « Vous trouverez ci-dessous le CR d’une réunion étape tenue avec le cabinet des transports, sous le contrôle des participants en copie », peut-on lire. « Sur certains sujets soulignés en jaune, le cabinet attend votre retour ».

 

Ensuite, vient le compte-rendu en tant que tel, divisé en plusieurs parties : « les gares », « les missions système », « l’inclusion des parties prenantes dans la gouvernance », « l’incessibilité des titres », entre autres. Et c’est ce dernier chapitre qui fait bondir les syndicats : voici ce qu’on peut y lire : « Amendement proposé par le cab. Prévoir l’incessibilité. Nous avons insisté sur la nécessité de le restreindre au niveau de la Holding ». En clair, le transporteur souhaiterait que seule soit protégée de la privatisation la maison mère, la « holding » de la SNCF, et donc se réserverait le droit de privatiser Réseaux et Mobilités, ses filiales, pour privatiser malgré tout en partie la SNCF.

 

Une fuite embarrassante et qui met de l’huile sur le feu, sous-entendant que l’objectif caché de la réforme ferroviaire serait de parvenir malgré tout à une privatisation qui ne dirait pas son nom : « c’est clair, c’est limpide ! », estime la CGT Cheminots. « Ils nous disent face aux médias et aux caméras qu’il n’y aura pas de privatisation, et en sous-main pendant leurs petites réunions à huit clos, ils mettent en place les amendements et les privatisations qui leur permettront de nous rouler ! Et ils font ça le jour où les syndicats acceptent tout juste de renouer le dialogue avec le gouvernement et la ministre des transports : et après on s’étonne que la mobilisation reprenne à bloc ce lundi ? » (14 mai 2018 ndlr)

 

Sur les réseaux sociaux, la Ministre du Travail a réaffirmé que « les 3 entreprises, SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseaux sont et resteront 100% publiques et incessibles : ce n’est pas seulement une promesse, c’est ce que nous avons inscrit dans la loi votée à l’Assemblée Nationale. Nous le confirmerons lors du débat au sénat », peut-on lire sur son compte tweeter, dans ce post daté du 13 mai 2018 à 14H.

 

Du côté de la direction de la SNCF, on ne nie pas l’existence du compte-rendu qui fait polémique, mais on se défend de toute volonté de privatisation : « il n’y a aucun projet de privatisation, cela a été dit et redit systématiquement », explique Alain Krakovitch, directeur général Transiliens SNCF, alors que ce lundi 14 mai 2018 commence aussi une grande consultation de la base sur la réforme ferroviaire, à l’initiative de l’intersyndicale (les cheminots doivent se prononcer pour ou contre). « Ce document qui a fuité est un document de travail, qui n’a aucun caractère officiel. Je redis au nom de la SNCF que l’incessibilité des titres et le caractère 100% public de la SNCF et de ses filiales réseaux et Mobilités n’est pas remise en cause. Les points techniques évoqués au cours de la réunion concernaient des filiales qui ne sont ni Mobilités ni Réseaux et pour lesquelles nous pourrions être amenés à céder des titres, comme les télécoms ou le parc hôtelier de la SNCF. Donc sans caractère lié à la mobilité. Et pour les lignes internationales, il est logique qu’elles puissent être non 100% françaises mais partagées avec nos voisins européens ».

 

Cette affaire de « documents secrets » a nettement ravivé la mobilisation des personnels grévistes : selon les déclarations d’intention, 7 conducteurs sur 10, 7 contrôleurs sur 10 et 4 aiguilleurs sur 10 seront en débrayage, soit une hausse de 15 à 20 points par rapport au dernier jour de grève du 9 mai dernier. Un sursaut très important, qui n’augure pas d’une réponse positive à cette sorte de « sondage » en interne. La réforme de la SNCF a été adoptée à l’Assemblée Nationale, mais elle doit encore être discutée au sénat à partir du 23 mai 2018.

 

 




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