Reformes de l’assurance chômage et des retraites : mieux ou moins bien pour les femmes ?

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La réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites bénéficient-elles aux femmes, ou risquent-elles au contraire de les pénaliser encore davantage, quand on sait que déjà avec le système actuel, les femmes touchent moins que les hommes dans les deux cas ? Les syndicats dénoncent le premier texte, jugée particulièrement défavorable aux femmes. Mais le second projet  lui, semble au contraire enfin rééquilibrer un peu les choses entre anciens salariés des deux sexes. Voici pourquoi.

 

« La nouvelle loi sur l’assurance chômage n’est pas équitable, elle vise en premier lieu les précaires, et la majorité des précaires sont des femmes en France, donc on peut dire que la réforme est une réforme contre les femmes » : voilà le discours des principaux syndicats et notamment, de la CGT. Un discours qui s’appuie sur des constats de terrain : sur le marché du travail, selon la CORAACE (Coordination des Associations d’Aide aux Chômeurs par l’Emploi) « les travailleuses précaires le sont souvent parce qu’elles sont parents isolés et que du coup, elle n’arrivent pas à faire autant d’heures sur un mois auprès de leurs différents employeurs, qu’il le faudrait pour obtenir l’équivalent d’un temps plein au regard de l’assurance chômage, et donc une indemnisation à 100%. Et si elles font un temps plein, elles dépensent la moitié de ces revenus ou des indemnités équivalentes en frais de garde d’enfant, ce qui n’a aucun intérêt financier pour elles. Mais malgré cette iniquité de statut dès le départ, ce sont ces femmes en contrats précaires qui seront parmi les plus défavorisées par les règles du nouveau texte de loi sur l’Assurance Chômage ».

 

Cette réforme entrera en vigueur en novembre 2019. Elle remplacera les règles en vigueur aujourd’hui, qui selon les économistes permettent aux femmes sur le marché du travail d’être traitées « à peu près de la même manière que les hommes », explique l’Observatoire des Inégalités. « D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : à ce jour, les  femmes représentent 51% des demandeurs d’emploi enregistrés à Pôle Emploi, 49% pour les hommes, donc on est en situation de quasi égalité. Même chose pour le taux de chômage : 9% pour les hommes, 9,1% pour les femmes. Là où on voit une vraie différence, c’est quand on regarde de plus près : les femmes sont moins nombreuses que les hommes, 48%, à se déclarer auprès de pôle emploi sans aucune activité. Mais elles sont beaucoup plus nombreuses (56%) à déclarer un temps partiel sous contrat précaire (CDD, intérim…). Or, ce sont ces contrats de travail là qui sont au cœur de la réforme du gouvernement, ceux là que l’exécutif veut voir disparaître avec sa nouvelle législation. En théorie, au profit de CDI… sauf qu’on sait très bien que dans la grande distribution, ou la logistique par exemple, les temps partiels en contrats courts ne sont pas remplaçables par des temps pleins en CDI, parce qu’ils participent de la flexibilité nécessaire aux entreprises de ces secteurs là, en fonction des périodes, de la consommation et de la demande ».  

 

D’après l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, l’année dernière, « un tiers des femmes actives en France étaient à temps partiel, alors que cela concernait moins d’un homme sur 10. Elles sont aussi beaucoup plus nombreuses à renoncer à leurs indemnités et à retrouver un travail avant la fin de leurs droits (2 ans), et à disparaître ainsi de toutes les études statistiques, ce qui fausse évidemment la lecture de la réalité par ceux qui légifèrent ». Pour les femmes actives en situation d’emploi, il y a aussi de grosses différences qui se ressentiront si par malheur elles se retrouvent sans travail et doivent demander des indemnités chômage selon les règles du nouveau système : en 2018, toujours selon l’INSEE, « les plus bas salaires de la population active concernaient majoritairement des femmes ».

 

Un constat partagé par l’Observatoire des Inégalités : « plus de 60% des salariés qui touchent tout juste le SMIC sont des femmes en France. Et elles sont aussi plus nombreuses à cumuler plusieurs petits jobs, en particulier dans la logistique, la grande distribution, les secteurs de l’industrie agro-alimentaire, la santé ou encore la petite enfance. Globalement, à travail et temps de travail égal, elles gagnent en moyenne quasiment 10% que les hommes: en moyenne 1070 euros brut contre 1300 euros brut. Chez les seniors, au-delà de 60 ans, les femmes perçoivent même en moyenne 30% de moins que les hommes toujours avec des antécédents équivalents (temps de travail et postes occupés). Or, avec le nouveau système, elles pourraient toucher des indemnités encore plus basses en termes de montants, et de disparités avec leurs homologues masculins ».

 

En revanche, du côté de la réforme des retraites, c’est un peu mieux : les ajustements devraient globalement être plus favorables aux femmes que maintenant : d’abord, parce qu’un nouveau dispositif de réversion va garantir au conjoint survivant (et dans 90% des cas ce sont des femmes) de continuer à bénéficier de 70% des revenus du couple dès 62 ans et sans conditions de ressources, alors que pour l’instant une bonne quinzaine de règles différentes régissent cette question en France. Une mesure rendue possible par la fin des mêmes droits aux ex-conjoints, divorcés avant le décès de l’un des deux, alors aujourd’hui la pension de réversion est calculée pour chacune des épouses et ex-épouses au prorata du nombre d’années de vie partagées.

 

Ce qui sonne également plutôt bien aux oreilles des femmes futures retraitées, c’est la majoration des droits à la retraite de 5% dès le premier enfant voulue par l’exécutif, alors qu’il faut avoir eu au moins 3 enfants dans le système actuel pour bénéficier d’une majoration – toutefois, celle-ci est de 10% -. Comme aujourd’hui, cette majoration pourra être partagée entre le père et la mère de chaque enfant, mais à défaut ce sera la mère qui la touchera. Enfin, la revalorisation à 85% du Smic net du futur minimum vieillesse bénéficiera en priorité aux femmes. Et les droits retraite pour les anciens congés maternité seront aussi revalorisés grâce à une ré-indexation sur les périodes salariales les mieux payées dans l’entreprise. Néanmoins, la CGT et Force Ouvrière rappellent qu’une nouvelle fois, les femmes les plus précaires seront les moins bien servies par le nouveau système des retraites.

 

 




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