Transports : vers la fin du diesel ?

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Depuis quelques mois en France, la part de marché des véhicules diesel est en chute libre : alors qu’elle représentait encore près de 70% des ventes il y a 5 ans, elle n’en constituait même plus la moitié l’année dernière avec moins de 50% des véhicules neufs achetés. Selon une étude récente, les ventes de véhicules diesel d’occasion sont passées de 330 500 voitures diesel immatriculées en 2014, à 304 500 en avril 2017, ce qui représente une chute de près de 8% des ventes en moins de 3 ans : pour le secteur, c’est énorme ! En face, les ventes de voitures essence ont progressé : de 145 000 en 2014, elles sont passées 152 000 immatriculations en avril 2017, soit un bond de près de 5%. Et cette dégringolade diesel se poursuit avec les premiers chiffres de 2018. Dans les grands salons de l’automobile, à l’international, les constructeurs confirment presque tous la tendance : fin des ventes de ses modèles diesel dès cette année pour le japonais Toyota, l’année prochaine pour le sino-suédois Volvo, dans moins de 5 ans pour le Français Renault et l’italo-américain Fiat Chrysler. Pour PSA, ce sera un peu plus tard, mais bientôt quand même : 2025 pour l’autre grand constructeur français.

 

Ont-ils vraiment le choix ? Pas franchement. Tout les pousse dans ce sens : le diesel gate a, bien sûr, largement accéléré le mouvement, mais la lame de fond était de toute façon en marche. La plupart des grandes villes du monde mettent en place des initiatives pour faire baisser le niveau de pollution, entre péages et vignettes. Bruxelles a pris les devants en janvier 2018, en instaurant le principe d’une « zone basse émission » pour l’ensemble du territoire de la capitale belge, ce qui en exclut d’office les véhicules diesel de plus de 20 ans, et ces mesures de restrictions devraient se durcir encore au cours de l’année. D’autres grandes capitales européennes feront la même chose dans les années qui viennent : d’ici 2024 pour Rome en Italie, et Paris en France. Madrid en Espagne, et Athènes en Grèce, se sont données jusqu’en 2025 pour aménager leur dispositif antipollution. C’est déjà fait, en revanche, à Oslo en Norvège et à Londres, en Grande-Bretagne, où des péages urbains ont été mis en place pour filtrer les voitures et les camions les plus polluants.

 

A Leipzig, en Allemagne, une très récente décision de justice a donné raison aux écologistes et doit mener deux villes, Stuttgart et Düsseldorf, à interdire la circulation de centaines de milliers de véhicules diesel trop sales pour assainir l’air… une décision qui pourrait faire jurisprudence et amener l’Allemagne, à terme, à interdire plus de 9 millions de véhicules trop anciens et qui roulent au gazole ! Une autre grande ville allemande, Hambourg, en a ainsi profité pour annoncer vouloir voter de telles interdictions dans moins de deux mois. Dernier rebondissement en date : hier à Bruxelles, Violeta Bulc, la Commissaire européenne aux Transports a remis un sou dans la machine, en demandant que des péages urbains soient généralisés en Europe, partout, de manière harmonisée, pour que les usagers et les professionnels du transport puissent aussi adapter leurs véhicules et leurs achats de manière à pouvoir continuer à circuler partout, sans être « discriminés » dans telle ou telle ville en fonction de la date de construction de leur véhicule. « Les interdictions de circulation sont très frustrantes », a ainsi déclaré la commissaire européenne. « Nous avons déjà fait une proposition l’année passée pour un système de péage électronique européen permettant des péages flexibles et différenciés », a-t-elle poursuivit, militant pour une solution globale à l’échelle de l’UE. « Il vaut mieux instaurer un système de barrages payants pour dissuader la circulation des véhicules trop polluants en les faisant payer à l’entrée des villes, mais que ceux qui payent puissent circuler ».

 

Chez les concessionnaires, même constat : à Paris, ils sont plusieurs à nous le confirmer : « toutes marques confondues, 60% des clients recherchent aujourd’hui un véhicule essence, alors qu’auparavant 60% des clients recherchaient un véhicule diesel, la vapeur s’est totalement inversée, en un an et demi deux ans maximum, c’est fulgurant. Acheter une voiture diesel aujourd’hui est devenu trop risqué aux yeux des consommateurs, la législation, partout, ne va plus dans le bon sens pour eux et les prix à la pompe augmentent et s’alignent presque sur l’essence, donc plus aucun intérêt d’acheter un véhicule plus cher à l’achat alors que les avantages n’existent plus. Ils font le choix de privilégier les véhicules essence, d’autant qu’Emmanuel Macron a fait des annonces très intéressantes sur une prime à la casse revalorisée pour ceux qui changeront de voiture au profit de l’essence, ceux qui renonceront à leur vieille voiture, (plus de 16 ans) pour faire l’acquisition d’une autre, neuve, ou d’occasion mais moins polluante, pourront bénéficier d’une prime de 1000 euros ».

 

Et pour les camions et les transporteurs, qu’est-ce que ça change ? Pour les livraisons du dernier kilomètre, il faudra s’adapter, c’est l’évidence, pour pouvoir continuer à livrer en milieu urbain, là où les clients sont les plus nombreux à vouloir bénéficier d’une livraison à domicile. Pour le transport régional, national ou international, pour l’instant, peu de choses risquent de changer : car si les pouvoirs publics, partout, dans les villes, les pays comme l’Union Européenne, privilégient la lutte contre les voitures diesel en priorité, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, pour pouvoir justement favoriser la baisse des émissions de CO² des voitures, afin de permettre au transport routier de continuer son activité et de prendre le temps de s’adapter aux évolutions, d’attendre, notamment, que les constructeurs mettent au point des poids-lourds essence ou électriques. D’autre part, parce que selon une étude récente, il semblerait que les poids-lourds soient en fait beaucoup moins polluants que les voitures diesel ! Menée il y a un an par le Conseil International pour un Transport Propre, cette enquête a pris le temps de mesurer les émissions de gaz polluants par les camions, et de les comparer avec celles émises par les voitures. Des poids lourds, testés en conditions réelles en Allemagne et en Finlande, ont selon cette étude émis en moyenne 210 milligrammes d’oxyde d’azote par kilomètre parcouru, tandis que 50% des voitures diesel testées dans le même temps et dans les mêmes conditions, répondant même pour les plus récentes à la norme antipollution « Euro 6 », émettaient jusqu’au double de gaz polluants, jusqu’à 500 milligrammes par kilomètre parcouru.

 

Conclusion : les véhicules de type B roulant au diesel, même aux dernières normes européennes, pollueraient jusque 10 fois plus que les poids lourds ou les autocars roulant au diesel. Ce dernier a donc malgré tout encore quelques beaux jours devant lui. Si son utilisation devient financièrement beaucoup moins intéressante en ville, elle reste avantageuse pour les transporteurs sur les moyennes et longues distances, et même sur les courtes distances pour les professionnels qui roulent encore beaucoup et font de nombreux kilomètres.

 

 




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