Aux Etats-Unis : des camions roulent désormais sans chauffeurs

Temps de lecture : 4 minutes

1Un poids-lourd de plusieurs tonnes chargé de bière et lancé à pleine vitesse sur les routes, pour un trajet de 200 kilomètres, cela vous paraît surréaliste ? C’est pourtant l’expérimentation réussie il y a quelques jours, expérience menée par la filiale d’Uber, nommée Otto, à travers les Etats-Unis, au cœur du Colorado. C’est une première historique ! Un chauffeur était certes à bord, pour veiller au bon déroulement du trajet, mais il semblerait qu’il n’ait pas eu besoin d’intervenir : le véhicule s’est débrouillé tout seul de A à Z, en comptant uniquement sur ses caméras, ses capteurs, algorithmes et autres technologies sensitives… Y compris en traversant la grande ville de Denver. Parti de Fort Collins, au nord du Colorado, jusqu’à Colorado Spring, le poids lourd a réalisé une performance qui « marque une nouvelle étape vers des routes plus sûres et une activité de transport plus productive », selon Otto. « Les chauffeurs auront désormais la possibilité de se reposer tout en continuant à rouler, ce qui fera gagner de l’argent aux salariés comme aux entreprises de transport ».

 

Une possibilité qui ne semble pas effrayer les entreprises clientes du transporteur, puisque le brasseur américain Anheuser-Busch, qui fabrique notamment la Budweiser, la bière transportée pendant l’expérimentation, a d’ores et déjà signé un contrat de partenariat avec Otto pour ses futurs trajets : « Ce 20 octobre 2016, nous avons fait le choix d’une nouvelle manière d’optimiser le transport et la logistique, une méthode révolutionnaire, une méthode d’avenir », explique James Sembrot, Directeur de la stratégie logistique du fabriquant de bière. « La seule option qui permette d’éviter au mieux les accidents, le gaspillage de carburants ou les amendes pour excès de vitesse ». Comment un tel exploit est-il possible ? « C’est en réalité plus simple qu’il y paraît, car les poids-lourds roulent essentiellement sur de grands axes routiers et non de petites routes tortueuses. Ce sont des itinéraires majoritairement rectilignes, avec de grandes directions, et donc un scénario de conduite beaucoup moins compliqué que dans une grande mégalopole urbaine par exemple, cas de figure durant lequel il est prévu que le chauffeur reprenne la main. Sur autoroute, le chauffeur peut en revanche se contenter de surveiller le bon déroulement des choses depuis la couchette, et même dormir, tandis que le véhicule suit les ordres d’un logiciel de conduite autonome, ce que l’on appelle un rail routier », explique Claire Delaunay, cofondatrice française d’Otto.

 

8Ces camions sans chauffeur sont-ils le signe que demain, le métier de conducteur de poids-lourd ne sera plus nécessaire et donc, sera voué à disparaître ? « C’est une technologie fiable car testée en laboratoire et hors laboratoire », explique encore la cofondatrice de la jeune start up californienne spécialisée dans la conception de logiciels de conduite autonome. « Nous avons une équipe de plus de 80 ingénieurs qui analysent en permanence toutes les données envoyées par les capteurs des camions. Cela nous permet d’améliorer sans cesse le dispositif, avec un objectif zéro erreur, zéro problème, zéro défaut, et une conduite idéalement adaptée à chaque situation seconde par seconde. L’art de nos ingénieurs informatiques, c’est de savoir interpréter ces données qui viennent des capteurs et de savoir les transformer en un langage qui fait sens pour un robot, et le transformer lui-même en pilote automatique : on va lui expliquer ce que c’est qu’une route, un trottoir, une ligne blanche, un autre véhicule, un piéton, etc ». Du coup, ces poids lourds autonomes pourraient-ils un jour remplacer l’humain, et faire disparaître l’un des métiers les plus répandus en Europe, chauffeur routier ? « Oui, à terme, dans 5 ou 10 ans, on peut imaginer qu’il n’y aura plus besoin de chauffeurs, en tout cas derrière le volant, mais qu’ils deviennent plutôt des gardiens, des opérateurs de contrôle en quelque sorte… jusqu’à ce que nous soyons capables de faire rouler les véhicules de manière absolument autonome, sans plus aucune surveillance humaine. La première raison pour laquelle nous faisons cela c’est la sécurité, mais pour les entreprises ce sera aussi un gage extraordinaire d’efficacité et de rentabilité. Les temps de trajets et donc de livraisons seraient réduits, les temps de pause et les salaires supprimés ».

 

10C’est finalement le principe de la « destruction créatrice », selon l’économiste autrichien Joseph Schumpeter, qui prenait comme exemple le métier d’allumeur de réverbère, né avec l’invention de l’éclairage au gaz et qui disparut avec l’apparition de l’électricité. « L’histoire économique est constituée d’innovations technologiques qui créent de nouveaux marchés, croissance et emplois tout en détruisant d’anciennes activités », explique le spécialiste américain de l’informatique, Moshe Vardi, qui estime que l’intelligence artificielle pourrait mettre au chômage 50% de l’humanité d’ici 2040 ! « Des métiers disparaissent et se transforment pendant que, dans le même temps, les innovations créent de nouvelles activités, de nouveaux marchés. Ce sont des leviers de croissance pour les entreprises qui doivent innover grâce à ces inventions, et en général, cela leur permet de créer d’autres emplois, des emplois nouveaux. Dans le transport et la logistique, vous avez des camions qui se conduisent tout seuls et demain, des livraisons qui se feront aussi par drones. Dans les entrepôts logistiques, ce sont des robots qui font déjà dans certains endroits le travail du magasinier ».

 

Plus d’accidents, moins de frais, quelle entreprise de transport et de logistique n’en rêve pas ? « Mais de tous les métiers du transport, celui de chauffeur poids lourd reste celui qui semble le moins menacé à court et même à moyen terme », analyse l’expert Michel Nachez, auteur de l’ouvrage « Fin de l’emploi pour les humains ? », publié aux éditions Néothèque en 2014. Ce type d’innovation ne pourra se développer que très progressivement : si tous les camions roulaient de manière autonome, cela supposerait des autoroutes entièrement équipées de capteurs partout à travers le monde, des voies de circulation poids lourds totalement autonomes, et surtout des centaines de milliers d’emplois à supprimer… ce à quoi les gouvernements ne sont de toute évidence pas prêts.




2 commentaires

flo le 2 déc. 2016

et donc plus de chômeurs, moins d’argent, pas de pouvoir d’achat, moins de commandes, moins de transports, etc…
idiocracy is coming true.

Alex le 14 nov. 2016

C’est curieux, je trouve que la fin de l’article est en complète contradiction avec le reste.
Les camions seront au contraire très vite complètement autonomes, sur les routes actuelles. Nul besoin de « capteurs » ou « voies réservées ». C’est tout la force du truc…
Et ce n’est pas pour dans 50 ans. Les prototypes fonctionnent déjà très bien, les constructeurs sont à fond sur le coup, les réglementations anticipent pour une fois. C’est réellement une question de quelques années. Routiers, taxis et autres VTC, métros, bus, trams… mais aussi voitures collectives à la demande, stationnement… c’est toute notre société qui est en train de changer. Et d’autres domaines vont suivre plus rapidement qu’on ne le croit. Alors pour le revenu universel, il va falloir reconsidérer la question.

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