Transport et transition écologique : la double casquette d’Elisabeth Borne pose question

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Elle aura donc repris, à peine dix heures après la démission de François Rugy, la casquette de ministre de la Transition écologique. Pour autant, Elisabeth Borne garde le portefeuille des transports…. Deux chantiers très importants de l’acte 2 du quinquennat d’Emmanuel Macron, deux chantiers a priori opposés…. Paradoxe ou logique, que cette ministre transformée en Shiva aux dizaines de bras, sur le terrain de l’environnement comme sur le bitume des routiers, à droite et à gauche, sur des fronts qui semblent pourtant difficile, voire impossibles à concilier ? Comment, en termes de stratégie, d’emplois, de taxes, peut-elle réussir à mener ces deux missions ? Nous avons posé la question à quelques experts.

 

« Cela va être difficile, c’est une évidence : Elisabeth Borne est la huitième depuis l’élection de François Hollande à accepter ce poste, 8 ministres sous deux président, dont un qui n’en est même pas à la moitié de son quinquennat, c’est beaucoup ! », explique le CEVIPOF (ex Centre d’Etudes de la Vie Politique Française devenu le Centre de Recherches Politiques de Sciences Po). « Mais sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo avait déjà été chargé de prendre en main à la fois les énergies et les transports, et ça n’est pas si paradoxal que cela en a l’air : oui, les lobbies s’opposent sur quasiment tous les points de réflexion, mais en même temps, la transformation des modes de transports et de nos manières de consommer les énergies, et la transformation des énergies elles mêmes pour favoriser des transports propres, tout cela est intimement lié et avoir un seul ministre qui chapeaute tout peut permettre davantage de cohérence. Cela dit, bon courage à Madame Borne, le challenge est élevé ! ».

 

La problématique pour Elisabeth Borne sera de concilier à la fois son tempérament purement macroniste, son côté bonne élève, comme elle l’a d’ailleurs été en menant coûte que coûte à bien la réforme de la SNCF – et elle y est parvenue, preuve tout de même que quand elle veut quelque chose, elle s’accroche et finit par l’obtenir – et les exigences du Haut Conseil pour le Climat, créé d’ailleurs par le même Emmanuel Macron, et qui réclame dans son premier rapport que « l’impact carbone de chaque politique soit systématiquement évalué ».  Pour autant, l’expérience montre que concilier écologie et transports n’est pas totalement de l’ordre de la mission impossible : ainsi, aux Pays-Bas, le gouvernement débloque des fonds très importants pour le secteur (20 millions encore cette année en faveur du fluvial du maritime), mais en contrepartie, les professionnels du secteur doivent réduire leurs émissions de CO² de près de la moitié, 40%, dans les dix ans qui viennent.

 

« Le rôle désormais des ministres en charge des transports, c’est de toute façon d’aller vers un greendeal, comme l’a d’ailleurs promis la nouvelle présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Layen. Toutes les politiques vont devoir tendre vers cela si l’on veut, à terme, tout simplement sauver l’espèce humaine, cela n’est plus de la fiction, c’est une réalité pragmatique et scientifique prouvée par les experts du monde entier », explique l’Observatoire des Politiques et Stratégies en Europe. « Cela n’est plus comme si nous avions le choix ! Et c’est peut-être le tournant dont devrait pouvoir, on l’espère, bénéficier Elisabeth Borne : là où ses prédécesseurs se sont cassés les dents à cause des lobbies et des pressions des autres ministres (économie, agriculture…), elle bénéficiera peut-être du fait que la tendance au green deal devra s’appliquer aussi à ces autres ministères et que peut-être un jour, les lobbies cèderont à la nécessité, grâce à des politiques globales et groupées qui, associées et solidaires entre elles, obligeront les industries et les entreprises à prendre elles aussi le pli de la transition écologique, avec des aides politiques nationales et supranationales ».

 

Une utopie pour les uns, une urgence pour les autres, une nécessité pour Elisabeth Borne qui devra prendre en compte les spécificités d’un secteur qui porte à lui seul une bonne partie de la croissance et des emplois français : les transports et la logistique sont l’une des dernières forces motrices du travail et de la productivité dans notre pays, comme les différents experts consultés chaque semaine le répètent sur ce blog et dans tous les autres médias économiques et spécialisés : Madame Borne, comme ses homologues européens et ses collègues au sein de l’exécutif, devront accompagner, financer et favoriser le recours à des véhicules et des moyens de transport propres sans que cela remette jamais en cause la bonne santé de ces deux secteurs que sont le transport et la logistique ; faute de quoi le marasme sera inévitable tant en termes de croissance que de marché du travail.

 

« Parce que les transporteurs continuent à embaucher, parce qu’ils ont su affronter globalement la crise de 2008 et s’en remettre, affronter les hausses de taxes, affronter la concurrence des pays de l’est pas toujours franchement loyale, affronter certaines directives européennes pas toujours favorables, les pouvoirs publics ont le sentiment qu’ils peuvent encore s’adapter à d’autres impôts ou d’autres transformations sur le chemin de la transition énergétique, mais il faut rester réalistes, c’est un secteur fragilisé aujourd’hui », analyse le laboratoire Aménagement-Economie-Transports.

 

Dans le Journal du Dimanche de ce dimanche 21 juillet 2019, Elisabeth Borne elle-même se dit « sereine » :  « Pour lutter contre le réchauffement climatique », dit-elle, « il est plus efficace d’être constructif et d’agir plutôt que de passer son temps à créer un climat de défiance qui finit par faire du tort à l’écologie. (…) L’époque a changé, l’écologie n’est pas la propriété de quelques uns, c’est un enjeu porté très largement dans la société par les élus, les partenaires sociaux… (…) Le cap est fixé, c’est la neutralité carbone, et c’est la priorité de l’acte 2 du quinquennat. Mon rôle c’est de trouver les réponses concrètes et le chemin pour y arriver ».

 

 




1 commentaire

Françoise FICHOU le 13 août 2019

A QUI PEUT-ON POSER UNE QUESTION AU MINISTRE DES TRANSPORTS ?
Ma question est : le pass NAVIGO gratuit sans tenir compte des revenus A partir de quand et est-ce vrai ou une fausse promesse de notre gouvernement
Merci pour votre réponse
Cordialement
Françoise FICHOU

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