Le secret des petits prix Ikea : le transport et la logistique

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Alors que le monde entier rend hommage à Ingvar Kamprad, le fondateur de l’enseigne jaune et bleue décédé le 28 janvier 2018 à l’âge de 91 ans, nous avons voulu nous pencher sur les secrets logistiques de ce groupe qui a bâti un empire sur le principe simple de la qualité à bas prix. Au cœur de la stratégie, tout au long de la chaîne de création et de vente des meubles et des objets de l’enseigne, une organisation incroyablement bien pensée, et rodée, pour stocker, acheminer, distribuer les marchandises.

 

Meubles, vaisselle, décoration : en seulement une soixantaine d’année, le groupe suédois a su s’imposer comme numéro un de l’ameublement intérieur dans le monde, avec plus de 300 magasins et 32 milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel. Avec un seul créneau : de la qualité, du design, de l’innovation, à tous petits prix… et jamais les clients de la planète n’ont cessé d’être séduits, et même conquis. Du cœur de la Suède à l’est de la France, la réussite d’Ikea repose sur quelques secrets. Parmi eux, deux secteurs clés : le transport et la logistique, au cœur du fameux rapport qualité prix.

 

Au tout début de la chaîne de fabrication, une fois qu’un prototype a été validé, l’enseigne recourt à des fabricants qui sous-traitent pour elle la fabrication des produits. Et dès cette première étape, le transport et la logistique ont été au centre de la réflexion, pour choisir ses sous-traitants, Ikea a mis en place une règle simple : choisir uniquement des sites proches de la matière première utilisée. Le critère de base pour pouvoir travailler avec le géant suédois, c’est donc d’être situé à moins de 100 kilomètres des gisements de matériaux que l’on transforme. Objectif, bien sûr : rentabiliser les coûts au kilomètre.

 

Parmi les 1000 sous-traitants du groupe à travers le monde, des PME de la forêt vosgienne, par exemple. Ici, des panneaux de bois deviennent des planches destinées à se transformer, une fois montées entre elles, en armoires. Pour rentabiliser le produit, Ikea n’utilise pas de bois brut, trop cher, mais des assemblages de copeaux, de sciure, de colle et de copeaux de meubles recyclés, répartis en couches alternant forte et faible densité selon les endroits où l’on aura besoin de percer : une économie intelligente pour des matériaux optimisés donc moins lourds, et logiquement moins chers aussi à acheminer et à manutentionner. Résultat : des camions plus remplis et des coûts de transport réduits. Surtout, sur le site de chaque usine, les éléments à assembler du meuble à « monter soi-même » sont directement mis en cartons pendant le circuit de la chaîne de fabrication : au fur et à mesure, les cartons se remplissent, avant d’être mis en remorque : une logistique rationalisée à l’extrême, les personnels des sites de fabrication effectuant eux-mêmes au fur et à mesure les tâches de préparation de commandes.

 

Ces cartons, à l’autre bout du processus, seront directement installés dans les rayonnages des magasins : Ikea a aussi révolutionné la logistique en inventant le magasin entrepôt, où le client déambule en quelque sorte directement sur les sites de stockage, avec des linéaires immenses, tout en hauteur, accumulant les cartons sortis d’usine et rangés par référence… comme sur n’importe quel site logistique finalement, sauf qu’ici le client se sert lui-même, aidé par le personnel. Au lieu de payer du personnel logistique et du personnel de vente, l’enseigne a demandé les deux compétences sur le même site à ses salariés. Ou comment concilier des produits fabriqués en très grandes séries, avec d’immenses volumes, à hauteur de 35 000 références… et une organisation logistique efficace.

 

Pour donner envie malgré tout au client, les magasins alternent zones showroom où l’on traverse des pièces décorées comme chez soi, et les espaces de stockage. Le stimulus du désir d’achat précède de quelques minutes le passage à l’acte, l’attrait des zones aménagées permet de libérer les hormones du plaisir et de l’envie, qui boosteront le client au moment de se faire servir dans les rayonnages de la zone de stockage, et ne lui feront même pas remarquer que c’est un passage un peu ingrat avant les caisses ! (ou après paiement pour les meubles les plus encombrants !)… Le client concilie, sans le savoir, shopping et picking dans les allées, zones de vente et mètres carrés linéaires de palettes (5000 m² par magasin !), vitrines magiques et allées de racks peu enthousiasmantes… et ça marche ! Personne n’a jamais vu de manifestations de clients Ikea pour protester contre les conditions d’achat dans les entrepôts !!! Avec des points de vente toujours installés en périphérie des villes, les coûts de l’immobilier logistique sont par ailleurs minimisés, et les accès aux réseaux routiers facilités pour livrer rapidement toute la zone d’influence d’un magasin.

 

Pour permettre cette optimisation radicale du transport et de la logistique, 80% des flux sont livrés, on l’a vu, directement par les fournisseurs aux magasins. Malgré cela, l’enseigne suédoise ne peut pas faire totalement l’impasse sur quelques sites logistiques purs, des plateformes immenses où sont manipulés près de 150 000 colis par semaine. Des sortes de dépôts, comme des gares centrales, qui permettent aux magasins de n’être quasiment jamais en rupture de stocks, et de suivre de manière la plus pertinente possible les demandes saisonnières (chambres d’enfants et bureaux pour la rentrée scolaire, matériel de jardinage au printemps, canapés et cuisines quand l’hiver arrive, etc…).

 

Surtout, ces dépôts sont la clé de voûte du site internet et permet pour la partie e-commerce de livrer en temps et en heure partout en France, en Europe et dans le monde, dans des délais compétitifs, mais raisonnables : un logiciel maison, basé en Allemagne, redispatche en temps réel toutes les commandes aux fournisseurs, qui ont ensuite le fameux délai de 5 jours pour s’organiser. Ni trop long pour le client, ni trop court pour le fournisseur, car en dessous de ces 5 jours, il faudrait payer pour des camions à moitié vides… alors que les 5 jours permettent de ne faire transiter que des véhicules chargés à plein. Ils permettent aussi de répondre exactement à la demande en ligne, sans surplus inutiles, donc sans nécessité d’avoir des capacités de stockage à long terme. En clair, une certaine indépendance de chacun en matière de gestion logistique, couplée à des règles très strictes sur d’autres versants organisationnels du process : une flexibilité qui permet des résultats étonnants, puisque sur le coût total d’un produit Ikea, très bon marché, les opérations de transport et de logistique ne représentent que 15% de la somme finale !

 

 




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